Suis je imbécile?

Initialement, cet article avait pour sujet de discussion la fonction de « bâton » pour un être. Ceci étant dit, il serait fort regrettable de se passer de cette introduction hilarante. Et comme d’habitude, je me suis basé sur mes deux grands maitres du moment, Monsieur André-Comte Sponville avec son dictionnaire de la philosophie et Monsieur Alain Rey avec son ouvrage histoire de la langue française. D’ailleurs, dans les deux cas, il y a une partie identique sur le terme « imbécile heureux » à developper à la fin de cet article.


D’après le premier, un imbécile est d’abord (dans le sens chronologique et non pas prioritaire sémantique) un faible d’esprit, puis quelqu’un qui manque d’intelligence. Et comme nous en manquons tous, d’un certain point de vue (seuls les imbéciles ne s’en rendent pas compte), la notion est susceptible d’un usage fort large, qui se règle surtout par comparaison. Autrement dit, il n’y aura que des plus ou moins imbéciles et la question d’imbécile ou pas n’a plus lieu d’être. On appelle « imbécile heureux » celui dont le bonheur est fait d’inconscience ou d’ignorance. Je n’en ai pas rencontré beaucoup,. Les imbéciles prétentieux, en revanche, sont légion, y compris chez les gens qui ne sont pas plus bêtes que la moyenne. L’égo leur embrume la cervelle.


Et d’après le deuxième, que je vais résumer un peu, par crainte que vous ne tombiez endormis avant la fin. Un emprunt au latin imbecillus, proprement « sans bâton, sans soutien ». D’où faible de corps d’esprit. Donc im pour le préfixe du contraire et becillus pour bâton. Le premier sens, qui est propre d’ailleurs, signifie tout simplement au pieds de la lettre une personne physiquement faible. Au 16ème siècle, « le sexe imbécile » faisait allusion aux femmes. Dans tous les cas, je n’encourage aucun de mes lecteurs d’aller appeler une personne physiquement en difficulté ou une femme voire sa femme un ou une imbécile. Vous n’aurez en aucun cas récolté des congratulations pour votre connaissance linguistique, cependant, une baffe au moins vous sera promise sans aucun doute.


Ce qui m’intéresse ici est le sens figuré, c’est à dire, dépourvu de force morale ou intellectuelle. Nous serons donc « imbécile » s’il nous manque des connaissance intellectuelles. Mais, hé oui, y’a toujours un mais non? La connaissance scientifique ou même de l’ordre culturelle et générale, sont sans limite non? on aurait beau aimer s’instruire, lire, s’informer, le but absolu ne sera pas dans notre champ de vision. Alors à partir de combien et jusqu’à combien, nous pouvons prétendre ne plus être imbécile? Et ne sommes nous pas tous « imbéciles » comme suggère Monsieur Sponville au début de cet article?

Et si on veut aller plus loin, il ne faut surtout pas confondre l’antonyme de « imbécile » avec sagesse. Sinon il suffirait ne pas être imbécile pour devenir sage(rempli de sagesse et non pas docilité naturellement). La connaissance ne vaut pas la sagesse, l’érudit n’en fait pas mieux que la connaissance, l’intelligence encore moins. Et quel est au juste le contraire d’imbécile? Le « Bécile » ici est un bâton, avec lequel un être peut devenir physiquement plus fort. Ah bon? Pourquoi si je croise une personne dans la rue avec un bâton ou une béquille, j’aurais naturellement tendance à penser que cette personne est moins « fort » que moi qui n’en éprouve aucun besoin? Qui plus est, un bâton ou une béquille, quand il ne s’agit pas une personne âgée et physiquement affaibli, ne doit pas intervenir qu’en cas de besoin ponctuel? Une entorse, une fracture, une déchirure musculaire? Et souvent, quand la guérison commence à pointer son nez, les médecins nous préconisent quand même de faire des mouvements sans n’est ce pas? Alors ce bâton intellectuel, nous crée pas d’indépendance comme son homologue physique?


Les grands savants antiques, philosophiques, ne parvenaient ils pas à réfléchir sans avoir lu les livres, consulté les sites spécialisées, ou participé aux séminaires thématiques? Si oui, est ce si important ces bâtons ou béquilles qui viennent nous renforcer notre savoir? Ou alors, à partir du moment ces savoirs sont absorbés, ils deviennent une partie de nous même. Et par conséquent, ce bâton en devient en intérieur de nous, donc fait partie de nous. Sinon, tant que cette ambiguïté existe, nous risquerons fort de nous équiper de ce « bécile » pour finalement devenir imbéciles. Donc l’essentiel serait de ne tolérer aucun relâchement et travailler(ce mot qui induit par défaut de la douleur) sans cesse. Un peu comme la maladie d’Alzheimer, plus nous travaillons sur nos capacités intellectuelles, plus nous réduirons notre probabilité de contamination.


Maintenant revenons à l’intro du début de cet article, peut on être un « imbécile heureux »? Maitre Sponville pense que l’on ne peut pas(voir ci haut). Oui, le bonheur ne peut pas être fait d’ignorance et d’inconscience. D’ignorer les malheurs ne les efface pas, d’être inconscient ne veut nullement dire que les malheurs sont disparus ou n’existent pas. Néanmoins, j’ai quand même envie de dire que de façon indirecte l’ignorance et l’inconscience peuvent induire au bonheur. un être qui ne connait autre que ce qu’il a ne rêvera pas des choses qu’il ignore l’existence. Un bébé né et grandi sur une ile déserte ne va pas se mettre à rêver de prendre de l’avion ou aller jouer au Disneyland. Cependant, puisque je réfléchis à haute voix en écrivant, ce sont que des exemples extrêmes et imaginés. Est ce applicable dans la vraie vie? Un enfant qui vit dans un village reculé ne révéra pas de Newyork, peut on dire pour autant qu’il est heureux? Oui, parce qu’il n’espère pas aller dans une ville qu’il ne connait pas. Il n’aura pas de frustration à ce sujet. Mais il peut en avoir d’autres. D’avoir des habits neufs, un jouet qu’il aurait connu à la radio ou à la télé. Est ce que l’on est jamais satisfait, donc condamné à être malheureux? Donc vaut mieux être « imbécile » pour être « heureux »? Je n’ai pas de réponse pour l’instant même si j’ai envie de dire oui. Mais je remets quand même en question l’authenticité de cet état heureux.


Alors en résumé, que choisirais je d’être? Imbécile heureux ou intelligent malheureux? D’un point de vue objectif, il ne sera plus à moi d’y répondre. Et si cela ne dépend que de moi? Je ne sais pas non plus.