Pré-cauchemar
Pendant une insomnie sans scrupule, cet article est né.
Ça y est, je me lève, il est 23h45.
Je finis par avoir marre de me torturer couché. Cela fait bientôt deux heures que j'erre entre le début d'un sommeil hésitant et un préavis de cauchemar qui pointe vicieusement son museau dans tous les recoins de ma tête.
Il y a comme impression de m'être paumé dans une foret tropicale, ou alors un endroit semblable humide tout au long de l'année. Une chaleur étouffante m'enrobe et curieusement au lieu de me donner plus de volume, me rétrécit. Les feuilles chuchotent, les arbres silencieux, les insectes qui bourdonnent, y compris l'étang que je connais pourtant si bien, ont tous pris une dimension surréaliste et gigantesque. L'eau dans l'étang demeure effroyablement limpide, j'aperçois avec stupéfaction des racines d'arbre qui s'entrelacent au fond de l'eau. Ces dernières sont d'une couleur bleuâtre visqueuse, tels des varices d'un géant en souffrance. La couleur sombre de l'ensemble laisse croire à une absence de température chaude. Ces racines énormissimes ont des écorces lisses et sont pleines à craquer comme des intestins remplis de déchets et qui ne demandent qu'à être soulagés. Sans y entrer, on ressent l'épaisseur de l'eau, le froid mortuaire. Tout en gardant la terrifiante perspective dans le coin de mon champ de vision, j'avance en flageolant. D'avouer ma peur aurait sans doute accentué le plaisir de l'esprit maléfique du lieu. Et je n'ai nullement envie de lui accorder gratuitement cette réjouissance. Pour l'instant, il me guette simplement. Je sais qu'il m'épie depuis son coin invisible. Il sait que je tremble mais patiente pour davantage de réaction. Dans ce monde qui appartient à lui, ses horreurs et moi, le silence martèle sur mes nerfs. Je n'entends aucun son flagrant pourtant toute la terreur est là. Je lutte pour changer de film dans ma tête et prie pour sombrer le plus tôt possible dans un sommeil autre, le tout en vain. La scène a pris la décision à ma place, elle est déterminée à me coller à la peau. Je suis coincé dans une sorte de transe.
Je suis lucide sans pouvoir pour autant quitter ce début de cauchemar qui est déjà en place. J'ai des paupières lourdes or le sommeil, le vrai refuse de m'embrasser sans retenu. Je glisse et fonce dans une espèce de cratère entre espoir de refuge et crainte de cauchemar. Le bruit dehors me dérange, me scie les nerfs centimètre par centimètre. Le silence de dedans m'effraie comme un trou béant qui ne demande que de m'aspirer vers une autre dimension dont j'ignore tout. Sans aucune raison valable et plausible, j'attends l'arrivée de minuit. Espérais je l'instant qui chevauche les deux jours m'aurait sauvé de la situation? La nuit qui aurait trop duré deviendrait enfin une obscurité qui annonce l'arrivée du jour? le retour vers la réalité me réchaufferait avec ce que je vais devoir accomplir?
Le pré-cauchemar n'aurait donc plus le vilain plaisir de se transformer en version définitive. je l'aurais ainsi vaincu. Mais pour combien de temps?